À peine descendu du train, les pieds posés sur le quai de la gare Montparnasse, le journaliste indépendant Enzo Rabouy, de retour de vacances, se retrouve encerclé par une dizaine de policiers en civil. Sans explication, sans parole, ils le menottent, puis l’escortent jusqu’à un véhicule stationné à quelques pas. Sur le moment, il pense à une méprise, peut-être une confusion avec un autre passager, jusqu’à ce qu’un des agents lui montre une photo de son visage sur un téléphone.
Conduit au commissariat, il découvre que le motif retenu contre lui est celui de « dégradation de bien public avec dissimulation du visage ». Or, au moment des faits, deux semaines plus tôt, il couvrait en tant que journaliste une action militante menée près du salon du Bourget. Cette action visait à alerter sur la participation d’entreprises israéliennes soupçonnées de liens avec les violences à Gaza, et plus largement à dénoncer la place croissante des lobbys de l’armement dans l’économie française. Il n’avait rien cassé, ni caché son visage pour agir, mais simplement filmé ce qui se déroulait, dans l’exercice ordinaire de son métier.
La garde à vue dure plus de 24 heures. Dans la cellule, il fait plus de 40 °C, sans ventilation, en pleine canicule, sur des murs souillés d’excréments. Le journaliste indépendant décrit un environnement de délabrement, insalubre, où l’air est lourd, où l’attente devient épreuve. Il insiste pour que l’OPJ mentionne dans le procès-verbal que « le journalisme n’est pas un crime », une phrase faisant référence au journaliste de Blast, Yanis Mhamdi, récemment détenu par l’armée israélienne alors qu’il couvrait, dans l’exercice de ses fonctions, le départ d’une flottille humanitaire à destination de Gaza.
Une seconde atteinte à la liberté de la presse en l’espace de 7 mois
C’est la deuxième interpellation en six mois pour Enzo Rabouy, à chaque fois dans le cadre de reportages liés à des actions militantes. Il avait déjà été l’objet d’une interpellation le 4 janvier devant le parvis de Notre-Dame de Paris où il couvrait une action militante. Convoqué quelques jours plus tard au commissariat pour « incitation à la haine », le jeune journaliste a été interrogé pendant près d’une heure sans recevoir aucune justification sur cet étrange motif.Selon ses déclarations, les policiers ont évoqué à demi-mot des consignes venues de leur hiérarchie.
Le parquet a classé l’affaire sans suite, mais le journaliste, accompagné de son avocat Maître Henri Braun, annonce vouloir saisir la justice. Il souhaite faire reconnaître le caractère abusif de son interpellation, et plus encore, dénoncer une atteinte ciblée à la liberté de la presse. «La riposte mise en place avec Enzo Rabouy sera judiciaire mais pas seulement. Il faut créer un vaste mouvement pour dénoncer les atteintes à la liberté de la presse, notamment pour les journalistes couvrant les actions de dénonciation des crimes commis par l’armée israélienne », a déclaré Maître Braun sur X.
La riposte mise en place avec @enzorabouyy sera judiciaire mais pas seulement. Il faut créer un vaste mouvement pour dénoncer les atteintes à la liberté de la presse, notamment pour les journalistes couvrant les actions de dénonciation des crimes commis par l'armée israélienne. https://t.co/u8GSWT5S5w
— Henri BRAUN (@Braunavocat) July 3, 2025