À l’appel de plusieurs organisations, collectifs citoyens et personnalités politiques, plusieurs milliers de manifestants se sont réunis dans les rues de Paris ce dimanche 11 mai. Le cortège, parti de la place de la Bastille pour rejoindre celle de la Nation, a rassemblé 3 700 personnes selon la préfecture de police. Les participants ont brandi pancartes et slogans pour dénoncer une progression jugée inquiétante de l’islamophobie en France, tout en rendant hommage à Aboubakar Cissé, un jeune Malien tué dans une mosquée du Gard.
Un hommage à Aboubakar Cissé, symbole d’une inquiétude grandissante
La mort d’Aboubakar Cissé, survenue dans un lieu de culte musulman, a cristallisé les inquiétudes d’une partie de la population. Présente dans le cortège, la famille du jeune homme était entourée de militants et d’élus venus exprimer leur soutien. Sur une pancarte visible durant la marche, on pouvait lire : « Le racisme, ça commence avec des mots et ça finit comme Aboubakar ». Un message qui illustre la crainte d’une banalisation des discours stigmatisants à l’égard des musulmans.
Des figures de La France insoumise (LFI), telles que Jean-Luc Mélenchon, Louis Boyard et Eric Coquerel, ont pris part à la mobilisation. Ils ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme une montée préoccupante de l’hostilité envers les musulmans. Eric Coquerel a ainsi déclaré : « Il y a une augmentation incontestable de l’islamophobie, jusqu’à la mort d’Aboubakar Cissé dans une mosquée ». Le député a par ailleurs mis en cause Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, l’accusant de favoriser une fusion entre la droite et l’extrême droite.
Une polémique politique sur le terme « islamophobie »
Les débats autour de l’usage du mot « islamophobie » ont également occupé le devant de la scène. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a déclaré que ce terme possède une « connotation idéologique très marquée », notamment en lien avec les Frères musulmans, ce qui explique selon lui sa non-utilisation par le ministère. À l’inverse, le Premier ministre François Bayrou a défendu l’emploi du mot pour qualifier les actes hostiles envers les musulmans, mettant en avant l’importance de nommer les réalités sociales.
Les données du ministère de l’Intérieur viennent appuyer les inquiétudes exprimées lors de la manifestation. Sur les trois premiers mois de l’année 2025, une augmentation de 72 % des actes antimusulmans a été enregistrée, soit 79 cas recensés, contre 46 à la même période l’année précédente. Ces chiffres traduisent, selon plusieurs collectifs, un climat de plus en plus délétère pour les citoyens de confession musulmane.
Une « peur constante » chez les musulmans de France
Yassine Benyettou, secrétaire national du collectif RED Jeunes et coorganisateur de la marche, a alerté sur un sentiment d’insécurité croissant au sein de la communauté musulmane. Selon lui, la « parole décomplexée » de certains responsables politiques alimente un climat de méfiance et de rejet. Cette situation, estime-t-il, « porte atteinte à la sécurité d’une partie de la population française ».
À l’issue de la manifestation, plusieurs organisateurs ont indiqué vouloir prolonger le mouvement par d’autres actions publiques, afin de maintenir la pression sur les pouvoirs publics et réclamer des réponses concrètes. Ils demandent notamment une reconnaissance politique du phénomène islamophobe, une meilleure protection des lieux de culte, et une lutte renforcée contre les discours de haine.