Le 20 mars 2023, au cœur d’une nuit de tensions à Paris, plusieurs personnes sont interpellées par une équipe de la Brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M). La manifestation contre la réforme des retraites s’est achevée, mais des regroupements persistent dans certains quartiers. Parmi les sept individus arrêtés, un étudiant tchadien, Souleyman Adoum Souleyman, enclenche discrètement l’enregistrement audio de son interpellation, sans que les policiers ne s’en aperçoivent.
Quelques jours plus tard, cet enregistrement, dont plusieurs extraits seront diffusés par les médias français, provoque une vague d’indignation. Les propos tenus choquent, au point d’amener une réaction du préfet de police de Paris. Une enquête est rapidement ouverte. Grâce à ce document sonore, la justice parvient à identifier les agents impliqués et à attribuer les propos, ainsi que certains gestes, aux fonctionnaires présents cette nuit-là.
Des violences avérées par un document sonore
L’un des policiers, reconnu coupable d’avoir frappé le jeune homme au visage à deux reprises, a été condamné à un an de prison avec sursis, deux ans d’interdiction d’exercer et une amende de 450 euros. Cette agression a été commis alors que la victime était déjà au sol, maîtrisée, sans comportement agressif ni parole déplacée, souligne le président du tribunal. L’étudiant, selon les constatations, n’a jamais insulté ni résisté.
Ce même agent n’était visé que par une réquisition de quatre mois de sursis et un an d’interdiction de fonction. La peine finale reflète donc une appréciation plus sévère du tribunal, qui estime que l’usage de la force n’était en rien justifié par les circonstances.
« Toi, je t’aurais bien pété les jambes »
Le deuxième fonctionnaire sanctionné a tenu des propos menaçants, enregistrés sur la même bande. À l’adresse du jeune homme, il a notamment déclaré : « Toi, je t’aurais bien pété les jambes (…) la prochaine fois, tu monteras pas dans un car de police mais dans une ambulance. »
Pour ces menaces, le tribunal l’a condamné à huit mois de prison avec sursis, un an d’interdiction d’exercer et une amende de 450 euros. Le président a insisté sur le contexte : dix policiers face à un jeune homme isolé, interpellé de nuit, privé de liberté de mouvement, dans une situation de vulnérabilité manifeste.
« Vous n’êtes pas au-dessus des lois » fustige le Président du tribunal
Un troisième policier, également poursuivi pour des propos similaires, a été condamné à une amende de 2 000 euros. Il n’est pas visé par une interdiction d’exercer, mais reste reconnu coupable de violences verbales.
Dans son discours final, le président du tribunal, Youssef Badr, s’est adressé directement aux prévenus. Il leur a rappelé que leur statut de représentants de l’autorité publique implique une conduite irréprochable, particulièrement lorsqu’ils sont investis du pouvoir de priver quelqu’un de liberté ou d’user de la force. « Ces peines ne sont pas là pour vous accabler, mais pour rappeler que vous n’êtes pas au-dessus des lois », a-t-il affirmé, ajoutant que les faits en cause jettent un discrédit sur l’ensemble de la profession.