Mardi, aux alentours de 12 heures, un élève de seconde se rend aux toilettes de son établissement scolaire. Il y reste une dizaine de minutes. Il y dépose son sac à dos, dans lequel seront retrouvés une réplique de pistolet, un téléphone portable, ainsi qu’un couteau de chasse acheté sur internet quelques semaines plus tôt. Il utilisait cette arme lors de promenades en forêt, selon les déclarations de Antoine Leroy, procureur de la République de Nantes.
Sur place, les enquêteurs retrouveront également un second couteau. L’adolescent écrit plusieurs phrases au feutre sur les murs des toilettes avant de se scarifier le front à l’aide de l’un des couteaux. À 12h15, il envoie un e-mail contenant un manifeste personnel à teneur idéologique et critique. Le texte aborde pêle-mêle la mondialisation, les dérives technologiques, l’écologie, les violences sociales et la « société de l’information » qu’il qualifie de « totalitaire » .
Les téléphones du jeune homme – l’un retrouvé dans son sac, l’autre à son domicile – ainsi que son matériel informatique font actuellement l’objet d’une expertise technique par les services d’enquête.
Un passage à l’acte violent et ciblé
À 12h30, l’agresseur se rend dans une salle de seconde où un cours de mathématiques est en cours. Il demande à la porte si un camarade, dont il donne le nom, est présent. L’enseignante et les élèves lui répondent que non. Il repart alors aux toilettes, masque son visage, récupère le couteau de chasse — doté d’une lame de 20 centimètres — et retourne dans cette même salle.
Là, il se dirige directement vers une élève qu’il cible exclusivement. L’autopsie révèlera qu’elle a été poignardée à 57 reprises, au thorax, à la tête et à la gorge, notamment au niveau de la veine jugulaire et de la carotide. Les coups ont été portés alors qu’elle était debout, puis au sol, signe d’un « acharnement » selon le procureur de la République.
Alors que la professeure de mathématiques évacue les élèves, l’agresseur quitte la salle et entre dans une seconde classe. Il attaque trois autres élèves, sans distinction : deux garçons et une fille. La jeune fille est légèrement blessée. L’un des garçons, grièvement atteint, est transporté à l’hôpital, opéré et placé en réanimation. Son pronostic vital n’est plus engagé ; il a pu être entendu par la police ce vendredi matin.
Une interpellation rapide et un acte stoppé de justesse
Un technicien informatique, alerté par les cris, monte dans la salle. Il aperçoit l’agresseur de dos, armé d’un couteau, et l’attaque avec une chaise. L’adolescent le poursuit, mais le technicien parvient à l’enfermer dans un sas, où il accepte de déposer son arme. La police, alertée à 12h36, intervient en moins de dix minutes.
Un dispositif d’urgence est alors mis en place : sécurisation du périmètre, confinement, assistance psychologique. En tout, plus de 100 gendarmes, militaires de l’opération Sentinelle et 50 enquêteurs sont mobilisés. Une cellule du SAMU est dépêchée pour assurer le soutien psychologique des élèves, des enseignants et des familles.
Un suivi éducatif mais une personnalité instable
L’élève mis en cause est décrit comme solitaire, peu intégré socialement, avec peu d’amis et des dialogues rares. Très tôt, sa mère, avec qui il entretient d’excellentes relations, avait identifié des signes inquiétants. Elle avait pris l’initiative de le faire suivre par la Maison des adolescents de Nantes, qu’il avait fréquentée à six reprises. Il était élevé par des parents divorcés, avec des liens plus distants avec son père.
Ce suivi éducatif s’est prolongé jusqu’à un rendez-vous avec un sous-directeur, peu avant les vacances scolaires. Un entretien qui, selon l’intéressé, « s’était très bien passé » comme l’indique le procureur de la République. Il affirme d’ailleurs ne faire aucun lien entre cette rencontre et son passage à l’acte.
Trois aspects ressortent de sa personnalité : une tendance suicidaire, une fascination pour Adolf Hitler – qui avait déjà alerté l’équipe éducative –, et un isolement profond. Il avait écrit sur les murs des toilettes qu’il fallait « lui trancher la gorge ».
Un lien affectif ambigu avec la victime décédée
Ils s’étaient rencontrés lors d’un voyage scolaire à Rome et avaient, selon ses dires, noué une relation « de qualité ». Elle était, d’après lui, la seule personne avec qui il entretenait un dialogue « privilégié ».
« En l’état, il n’y a pas la possibilité de trouver un mobile qui permet de comprendre à l’heure où l’on parle », a souligné le procureur de la République.
Une garde à vue suspendue
Le suspect a été placé en garde à vue, mais celle-ci a été suspendue suite à une décision médicale. Il a été hospitalisé d’office dans un centre de soins psychiatriques. Ce sont désormais les médecins qui détermineront si et quand la garde à vue pourra reprendre.
L’enquête, menée par la gendarmerie sous l’autorité du parquet, se poursuit. Les investigations techniques, notamment sur ses téléphones et équipements informatiques, sont toujours en cours.