Réforme de l’audiovisuel public : l’Assemblée nationale rejette le projet de France Médias voulu par Rachida Dati

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Illustration. © Donald Tong

Lundi 30 juin, 94 députés ont voté pour une motion de rejet préalable, présentée par le groupe écologiste. Le texte de réforme, défendu par la ministre de la Culture, Rachida Dati, n’a pas franchi l’étape du débat. Les groupes centristes et les Républicains, absents en nombre, ont laissé passer le vote. Parmi les partisans du rejet, figuraient 17 députés du groupe d’extrême droite Rassemblement national. Le rejet, sans examen article par article, freine une réforme déjà ralentie depuis plusieurs mois.

Un projet très controversé dont les journalistes ne veulent pas

Le texte prévoyait la création d’une société holding, France Médias. Cette structure, pilotée par un président-directeur général, aurait regroupé France Télévisions, Radio France et l’INA. L’objectif était d’avoir une gouvernance commune et une gestion centralisée. L’État aurait détenu 100 % du capital. Le PDG de France Médias aurait également dirigé ses filiales.

Le projet intégrant les exigences du règlement européen sur la liberté des médias, publié en avril 2024, précisait les modalités de nomination, d’indépendance et de révocation des dirigeants. Le texte conservait les conseils d’administration existants mais en adaptait la composition. Une personnalité indépendante, nommée par l’Arcom, aurait veillé à l’impartialité et à l’honnêteté de l’information.

Le projet prévoyait aussi la transformation de l’INA en société anonyme, avec un nouveau statut juridique au 1er janvier 2026. L’accès aux archives, les fonctions de formation et les conventions avec les autres entités de France Médias étaient cadrés. Les missions de TV5 Monde et les garanties statutaires d’Arte étaient également inscrites dans la loi.

Un rejet nourri par des critiques fortes

Le vote intervient dans un contexte de grève. À Radio France et France Télévisions, les syndicats dénoncent la réforme. Selon eux, elle affaiblit le service public, réduit son indépendance, fragilise les statuts. Dans l’hémicycle, la députée Sophie Taillé-Polian (écologiste) a dénoncé un projet qui « met en danger de mort » l’audiovisuel public et « organise sa soumission au pouvoir politique ».

Depuis plusieurs mois, Rachida Dati a défendu le texte avec vigueur. En commission, en séance, dans les médias. Elle a été critiquée pour sa méthode et ses propos, notamment sur les auditeurs du service public, qualifiés de « club » de CSP+. En avril, un accrochage avec une fonctionnaire de l’Assemblée avait déjà suscité une polémique. Malgré cela, la ministre a maintenu que l’audiovisuel public est un bien commun qui doit évoluer.

Une réforme désormais incertaine

Le texte, rejeté à l’Assemblée, devrait retourner au Sénat pour une seconde lecture. Mais ce rejet sans débat complique son avenir. Le calendrier parlementaire, déjà contraint, pourrait reléguer la réforme à l’arrière-plan. Sans compromis entre les chambres, le projet risque l’abandon.

Malgré le rejet, les tensions sociales demeurent. Les syndicats réclament l’abandon complet du projet. L’article 16 du texte prévoyait la remise d’un rapport sur l’impact de la réforme sur les conditions de travail, le climat social, et les coopérations entre filiales. Ce rapport pourrait devenir la seule trace concrète de cette tentative de réforme.