Procès en appel des viols de Mazan : Gisèle Pelicot face à l’un de ses agresseurs présumés à Nîmes

Un an après le procès retentissant des viols de Mazan, Gisèle Pelicot, devenue une figure de la lutte contre les violences sexuelles, affronte à nouveau l’un de ses agresseurs présumés. À partir de ce lundi, la cour d’assises du Gard examine à Nîmes le recours d’Husamettin Dogan, seul des cinquante condamnés à avoir maintenu son appel.

Dessin de Gisèle Pelicot arrivant au Tribunal © DECHIFFREUR/DA
Dessin de Gisèle Pelicot arrivant au Tribunal © DECHIFFREUR/DA

Le palais de justice de Nîmes s’apprête à accueillir un procès, concentré sur un seul accusé mais chargé d’une forte portée symbolique. Husamettin Dogan, 44 ans, ancien ouvrier du bâtiment, avait été condamné à neuf ans de prison pour « viols aggravés » sur Gisèle Pelicot. Il comparaît libre devant la cour d’assises du Gard, risquant à nouveau vingt ans de réclusion.

Ce procès en appel tranche avec le précédent, organisé à Avignon, où cinquante accusés avaient défilé pendant quatre mois devant la cour criminelle du Vaucluse. Cette fois, toute l’attention se porte sur un seul homme. Plus d’une centaine de journalistes venus de France et de l’étranger ont été accrédités. Autour du tribunal, les forces de l’ordre se préparent à encadrer plusieurs rassemblements annoncés par des collectifs féministes, mobilisés dès l’ouverture de l’audience prévue à 14 heures.

Une femme devenue symbole malgré elle

Gisèle Pelicot a 72 ans. Depuis le premier procès, son nom incarne la parole libérée des femmes victimes de violences sexuelles. Elle avait refusé que les débats se tiennent à huis clos, affirmant que « la honte doit changer de camp ». Ce geste, rare, avait marqué les esprits.

Selon son avocat, Me Antoine Camus, la comparution de Mme Pelicot à Nîmes n’était pas un choix de cœur, mais une étape nécessaire. « Elle aurait préféré tourner la page, mais pour avancer, elle doit repasser par la justice », confie-t-il. Le procès, plus resserré, mettra en face à face une victime et un accusé, dans un cadre plus proche d’un procès pour viol classique.

L’avocat souligne la portée de ce moment : il s’agit pour sa cliente d’obtenir une reconnaissance pleine et entière des faits. « Elle veut que la justice confirme que tout ce qu’elle a subi était bien des viols, sans nuance ni relativisation. »

Des faits d’une extrême gravité

Les événements remontent au 28 juin 2019, dans la commune de Mazan, dans le Vaucluse. Ce soir-là, selon l’accusation, Gisèle Pelicot aurait été droguée par son mari, Dominique Pelicot, avant d’être violée par plusieurs hommes invités à leur domicile. Dominique Pelicot, présenté comme le principal instigateur de ces agressions, a été condamné à vingt ans de réclusion criminelle. Pendant près de dix ans, il aurait organisé des viols collectifs sur son épouse, qu’il filmait et archivaient méticuleusement. Il n’a pas fait appel et sera entendu à Nîmes en qualité de témoin.

Husamettin Dogan, lui, nie toute intention criminelle. Il soutient avoir été trompé par Dominique Pelicot et pensait participer à une soirée libertine consentie. Mais ce dernier conteste formellement cette version, affirmant que tous les participants savaient que la victime avait été endormie. La cour d’assises devra notamment visionner les enregistrements vidéo des faits, pièces essentielles du dossier.

Un verdict attendu avec gravité

Le procès s’ouvrira par la constitution du jury, composé de neuf citoyens et de trois magistrats professionnels. L’accusé sera ensuite invité à s’exprimer sur les faits. Le témoignage de Dominique Pelicot interviendra mardi après-midi, avant l’interrogatoire de l’accusé.

Le verdict pourrait être rendu dès mercredi, ou jeudi si les débats se prolongent. La parole de Gisèle Pelicot, très attendue, marquera un moment fort de l’audience. Elle devrait s’exprimer avant le réquisitoire de l’avocat général et les plaidoiries de la défense. Son avocat l’a rappelé avec fermeté : « Il n’y a pas de petit viol. » Cette phrase, désormais associée à sa cliente, résonnera sans doute à nouveau dans la salle d’audience de Nîmes.

Isabelle Lampart