L’écrivain Boualem Sansal condamné à cinq ans de prison en appel en Algérie

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a vu sa condamnation à cinq ans de prison confirmée en appel ce mardi 1er juillet à Alger. Poursuivi pour plusieurs chefs d'accusation, dont "atteinte à l’unité nationale", il avait été jugé pour des propos tenus dans un média français. Paris espère une mesure de grâce accordée par les autorités algériennes.

Lecture 4 min.
Boualem Sansal © Capture decran LCP
Boualem Sansal © Capture d’écran LCP

Ce mardi 1er juillet 2025, la cour d’appel d’Alger a confirmé la peine de cinq ans de prison à l’encontre de Boualem Sansal. L’écrivain, âgé de 75 ans, avait été reconnu coupable en mars dernier de plusieurs infractions, parmi lesquelles « atteinte à l’unité nationale », « outrage à corps constitué », « pratiques de nature à nuire à l’économie nationale » et « détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays ». Ces accusations s’appuient en grande partie sur une interview diffusée en octobre 2024 par le média français Frontières, classé à l’extrême droite.

Dans cet entretien, Sansal avait affirmé que l’Algérie actuelle avait hérité, sous la colonisation française, de territoires historiquement marocains. Des propos perçus par la justice algérienne comme une atteinte directe à la souveraineté du pays, dans un contexte de tensions persistantes avec le Maroc.

La France plaide pour la grâce

À Paris, cette condamnation a suscité de vives réactions. François Bayrou, Premier ministre français, a exprimé son inquiétude quant à la situation de l’écrivain, évoquant à la fois la liberté d’expression et l’état de santé de ce dernier.

« La situation que Boualem Sansal subit est une situation que tous les Français et le gouvernement français trouvent insupportable, à juste titre. Maintenant qu’il y a eu condamnation, on peut imaginer que des mesures de grâce, notamment en fonction de la santé de notre compatriote, soient prises », a déclaré le chef du gouvernement, en marge d’un déplacement consacré à la gestion des épisodes de canicule.

L’intervention du Premier ministre laisse entrevoir une éventuelle mobilisation diplomatique. Aucune réaction officielle n’a pour l’instant été communiquée par la présidence algérienne.

Un dossier sensible au croisement du politique et du judiciaire

La condamnation de Boualem Sansal intervient dans un contexte particulièrement tendu entre la France et l’Algérie, marqué par des relations bilatérales fluctuantes et un climat intérieur algérien sous surveillance. Les autorités judiciaires algériennes invoquent régulièrement la nécessité de préserver l’unité nationale et la stabilité du pays face aux discours jugés déstabilisateurs.

Figure intellectuelle engagée, Boualem Sansal est connu pour ses prises de position critiques à l’égard du pouvoir algérien. Son œuvre littéraire, largement traduite à l’étranger, interroge notamment l’histoire contemporaine du Maghreb, les héritages coloniaux et les dérives autoritaires.

L’issue de cette affaire pourrait reposer désormais sur une éventuelle mesure de clémence présidentielle, procédure prévue par le droit algérien mais appliquée de manière discrétionnaire.

Quels recours restent envisageables ?

D’un point de vue juridique, la décision de la cour d’appel peut encore être contestée devant la Cour suprême d’Algérie, si les avocats de Boualem Sansal décident d’introduire un pourvoi. Toutefois, cette procédure reste longue et incertaine. En parallèle, une démarche diplomatique française pourrait être engagée pour tenter d’obtenir une remise de peine ou une libération conditionnelle, notamment pour raisons humanitaires.

Les ONG de défense des droits humains n’ont pas encore officiellement réagi, mais certaines voix commencent à s’élever, notamment parmi les intellectuels et écrivains francophones. Le cas Sansal pourrait devenir emblématique du débat sur la liberté d’expression dans le monde arabe.