38 ans après la mort d’Inass, la petite martyre de l’A10, l’association Mouv’Enfants exige un procès contre ses parents en 2025

Trente-huit ans après la découverte du corps d’Inass Touloub, surnommée « la petite martyre de l’A10 », l'association Mouv’enfants appelle à la tenue du procès de ses parents en 2025. Une pétition et une marche blanche sont prévues afin de réclamer que justice soit enfin rendue à l’enfant, victime de sévices d’une extrême violence.

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Devant le palais de justice de Blois, le 24 juillet 2025, des membres de l’association Mouv’enfants ont mené une action pour exiger la tenue du procès des parents d’Inass, fillette suppliciée puis abandonnée en 1987 au bord de l’autoroute A10, dans le Loir-et-Cher. © MOUV'ENFANTS / DR
Devant le palais de justice de Blois, le 24 juillet 2025, des membres de l’association Mouv’enfants ont mené une action pour exiger la tenue du procès des parents d’Inass, fillette suppliciée puis abandonnée en 1987 au bord de l’autoroute A10, dans le Loir-et-Cher. © MOUV'ENFANTS / DR

Le 11 août 1987, le corps sans vie d’une fillette de quatre ans est retrouvé enroulée dans une couverture au bord de l’autoroute A10 par des agents de la société Cofiroute (filiale de Vinci Autoroutes), près de Blois dans le Loir-et-Cher. Les expertises révèlent des traces de sévices répétés : fractures à différents stades, morsures humaines, brûlures de fer à repasser, téton arraché, visage tuméfié.

Le début d’un épilogue judiciaire

Dès le lendemain de la découverte du corps, le parquet de Blois diffuse un appel à témoins à l’échelle nationale pour identifier la fillette. Un portrait-robot post-mortem est alors diffusé à plusieurs milliers d’exemplaires, mais l’enquête stagne. Le 12 février 1991, faute d’éléments probants, une première ordonnance de non-lieu est prononcée. En 1993, l’émission Témoin numéro 1 de Jacques Pradel diffusé sur TF1 consacre un reportage à l’affaire, recueillant 74 témoignages, dont certains donnent lieu à de nouvelles investigations, sans résultat. En 1997, un second non-lieu vient clore, une nouvelle fois, une enquête désormais à l’arrêt.

Ce n’est qu’en 2018, après la réouverture de l’enquête afin d’éviter que l’affaire soit prescrite, que l’identité de l’enfant sera établie grâce à des analyses ADN issues des cheveux et des vêtements appartenant à l’enfant. On sait alors qu’il s’agit d’Inass Touloub. Ses parents sont mis en examen pour « meurtre, recel de cadavre et violences habituelles sur mineur de moins de 15 ans ». Au cours de l’instruction, les deux parents d’Inass se sont rejeté la responsabilité des faits. La mère, désignée comme principale accusée, a nié toute implication directe dans la mort de sa fille, reconnaissant toutefois des difficultés à s’en occuper et affirmant avoir imposé une éducation stricte, sans intention criminelle. Elle a aussi souligné l’absence ou la faible implication du père dans l’éducation des enfants. Ce dernier, poursuivi pour complicité, a réfuté toute participation aux violences, affirmant ne pas avoir été présent lors des faits et ne pas avoir eu connaissance des sévices infligés à l’enfant. Son avocat a contesté la qualification de complicité, soutenant qu’il n’avait ni couvert ni encouragé les actes reprochés à la mère.

Après plusieurs recours, la Cour de cassation a confirmé, en septembre 2024, le renvoi de la mère devant la cour d’assises pour torture et actes de barbarie ayant entraîné la mort, et celui du père pour complicité. Prévu à Blois, le procès a été reporté en raison de l’indisponibilité d’une salle adaptée, et pourrait finalement se tenir entre la fin 2025 et le début 2026. Le 11 juin dernier, la cour d’assises du Loir-et-Cher ne sait toujours pas quand elle pourra organiser le procès, et recherche un local temporaire, comme un gymnase ou un hangar, comme le rapporte FranceInfo.

L’appel de Mouv’enfants pour un procès en 2025

L’association de lutte contre toutes les formes de violence faites aux enfants et aux adolescents Mouv’enfants, exhorte les autorités à organiser le procès en 2025. Dans un communiqué, l’association dénonce « l’inacceptable » d’une telle attente dans « la septième puissance mondiale » et interpelle directement le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, pour qu’une solution soit trouvée. Une pétition en ligne a été lancée à destination du Président de la République, Emmanuel Macron.

Après une action coup de poing le 24 juillet 2025 devant le palais de justice de Blois, Mouv’enfants annonce une marche blanche le 6 septembre 2025 à Suèvres, en hommage à Inass et pour demander la tenue rapide du procès.

Un symbole dans la lutte contre la pédocriminalité

Le collectif dénonce une « justice qui joue la montre » et rappelle que, selon l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents en France. L’absence de procès, selon Mouv’enfants, envoie un signal préoccupant quant à la protection des enfants victimes et à la lutte contre les violences intrafamiliales. Mouv’enfants inscrit cette mobilisation dans un combat plus large contre la pédocriminalité. Le mouvement insiste sur la nécessité de condamner systématiquement la non-dénonciation de violences sexuelles ou physiques sur mineurs, rappelant que le père d’Inass aurait eu connaissance des faits sans les signaler.

Selon l’UNICEF, les violences sexuelles sur mineurs constituent « un phénomène d’ampleur alarmante. Ils témoignent de la violence et de l’ampleur d’un fléau qui touche des millions de filles et de garçons, quels que soient leur origine et leur milieu social ». En France, au moins 160 000 enfants en sont victimes chaque année, dont une victime d’inceste sur quatre âgée de moins de 5 ans au moment des faits. Les enfants en situation de handicap présentent un risque trois fois plus élevé d’être concernés. Les statistiques, relayés par l’agence des Nations unies, révèlent qu’un tiers des Français déclarent avoir au moins une victime d’inceste dans leur entourage. En 2018 déjà, plus de 5 700 filles et 1 500 garçons victimes de violences sexuelles intrafamiliales ont été recensés.

Pour Mouv’enfants, l’issue est sans équivoque : un procès doit se tenir aux assises en 2025. L’association refuse que le dossier s’éteigne et demande que la mémoire d’Inass soit honorée par une décision judiciaire, afin d’envoyer un message fort.

D.B. / Déchiffreur